Si hériter d’un bien immobilier est souvent perçu comme une opportunité, c’est aussi une grande source de risque et de stress pour les héritiers, surtout lorsque rien n’a été anticipé. Trop souvent, l’absence d’anticipation met les héritiers dans une situation difficile, qu’il aurait été possible d’éviter.
Même lors qu’il n’y a pas de désaccords ou mésentente entre les successeurs, le partage d’une succession comprenant une part importante ou non d’immobilier est souvent problématique. Le bien immobilier peut avoir pour certains une valeur sentimentale. La question de l’évaluation du bien n’est jamais facile et peut générer des conflits. Faut-il vendre ou un héritier peut-il racheter la part des autres ? Comment faire lorsqu’un des héritiers, en particulier le conjoint survivant, occupe le bien ? Afin d’éviter des discordes ou des situations financières difficiles (comment financer l’entretien d’un bien immobilier en hoirie ?), il est judicieux de préparer le terrain à l’aide d’un spécialiste et si possible de régler au mieux les choses en amont.
La loi offre plusieurs solutions à ce titre : donation, legs, droit d’habitation, usufruit, testament, pacte successoral, désignation d’un exécuteur testamentaire o peut représenter une part substantielle d’un héritage. Pour éviter tout problème ou des désaccords lors du partage, mieux vaut régler les choses en temps voulu. Un testament ou une donation ou encore un avancement d’hoirie avec pacte successoral entrent ici en ligne de compte. Attention toutefois à ne pas léser les droits réservataires de certains héritiers : le conjoint survivant et les enfants ont par exemple droits à un minimum sur leur part successorale (la réserve héréditaire) et peuvent contester un testament qui léserait leur réserve.
Si rien n’est prévu, la succession sera réglée conformément aux dispositions du code civil suisse. Le conjoint survivant n’hérite pas automatiquement du logement conjugal : il n’a droit qu’à une part de la succession (à laquelle s’ajoute sa part de la liquidation du régime matrimonial), qui peut être inférieure à la valeur du bien immobilier. Dans ce cas, s’il veut conserver le logement en propriété, il devra verser aux autres héritiers de quoi leur donner leurs parts d’héritage, ce qui peut le mettre dans une situation financière compliquée.
La première question qui se pose est le plus souvent de connaître la valeur actualisée du bien. Celui qui souhaite le reprendre aura tendance à minimiser la valeur et ne voire que les défauts, alors que les autres héritiers diront que la valeur de marché est beaucoup plus élevée. Une estimation immobilière neutre est alors nécessaire, ou s’il y en a une, une mise à jour s’avère souvent nécessaire. L’expertise permettra également de déterminer les risques liés à la propriété, et ils sont nombreux (frais d’entretien, mise en conformité, dézonage, impôts, etc.). Celui qui va reprendre le bien immobilier ne doit pas hériter de problèmes insoupçonnés. L’expertise immobilière permettra également d’éviter de recourir à une vente aux enchères, qui est la solution prévue par la loi lorsque les héritiers n’arrivent pas à se mettre d’accord, mais qui n’offre pas la garantie de liquider le bien au meilleur prix.
Dans un second temps, il conviendra de déterminer le mode le plus adapté à la situation et aux besoins de chacun. Le concours d’un notaire peut s’avérer nécessaire. Pour tous les éléments liés à la charge fiscale, qui dépend de la localisation d’un bien, prendre l’avis d’un fiscaliste est judicieux. L’héritier devra en particulier à l’impact de la dévolution successorale sur sa propre situation (impôt sur la fortune).
Un expert immobilier est également nécessaire si le souhait est de vendre le bien immobilier pour faciliter un partage. Enfin, lorsque le bien immobilier a fait l’objet d’un financement par une banque ou une assurance (hypothèque ou cédule), une discussion avec l’organisme de prêt est indispensable. En effet, le prêt est accordé en fonction de critères personnels (la tenue des charges) et il n’est certain que la banque accepte sans condition la reprise d’un bien par un héritier qui n’a pas un budget jugé suffisant pour assumer la dette. Un amortissement pourra être demandé, ce qui compliquera encore plus le processus de partage.
Même lorsque le partage successoral n’a pas lieu rapidement, le maintien de l’hoirie (les héritiers demeurent propriétaires en commun des biens de la succession, y compris des biens immobiliers) suppose non seulement une bonne entente entre héritiers mais également un mode de gestion adapté à la taille et aux particularités du ou des biens immobiliers (immeuble locatif, résidence secondaire, appartement en PPE). La loi prévoit l’unanimité pour les prises de décision, un gérant interne ou externe peut être la solution, mais le conseil d’un professionnel est toujours préférable afin d’éviter des mauvaises surprises. Il ne faut en effet pas perdre de vue que les héritiers qui demeurent en hoirie sont solidairement responsables de toutes les dettes liées à la gestion des biens successoraux, sur l’entier de leur patrimoine (et non seulement sur leur part successorale) !
La mise en location du bien s’avère souvent une option permettant de dégager un revenu, à condition toutefois de bien maîtriser les charges et de ne pas avoir à faire des dépenses trop élevés pour l’entretien de l’immeuble. Une expertise technique est alors indispensable.
Marc-Etienne FAVRE, avocat
Spécialiste FSA construction et immobilier